mercredi 26 août 2009

Les pièges de la liberté de presse (6 août 2009)

Les jeunes journalistes qui embrassent ce périlleux métier le répétent souvent par coeur: la liberté de la presse ferme plus de portes qu'elle n'en ouvre. Quand on a compris bien cette maxime, l'on comprend aussi qu'entre la liberté d'expression et la liberté de presse, il y a la distance du tout à sa partie.


Alors que la première borne les droits du citoyen, la seconde fixe les limites d'une profession qu'on aurait tort à confondre avec la classe des intellectuels. Le journalisme c'est d'abord l'artisanat. C'est sa vocation depuis la codification du code de presse français en 1881, lequel fixe les droits et devoirs du journaliste.


Certains répètent à l'envie que le journaliste n'est pas seulement un artisan, mais c'est plutôt un plombier. Il partage avec ce noble métier, la nécessité d'avoir de bons tuyaux et celle de respecter les règles de la corporation. Or, on le sait, tout métier artisanal, manuel s'apprend plus par imbibation que par diplomation.


L'artisanat journalistique consiste à faire preuve d'humilité, en tuant l'émotion, en prenant de la distance, en jouant sur la perspective, en recoupant les informations méthodiquement et en fournissant aux lecteurs des informations articulées selon les 6W.



Attention à certains pièges. Une information peut être recoupée mille fois sans être vérifiée: c'est le cas de la rumeur publique. Qui n'a pas vu le montre du loch neiss. Quand le journaliste tombe dans ce cas extrême de la rumeur, on dit souvent de lui :"qu'il est l'homme qui a vu l'homme qui a vu le loup" et on lui commande un café ainsi qu'un petit congé d'une semaine. Une information recoupée et vérifiée, voilà les considérations techniques d'un article de presse.
On peut y ajouter par la suite, les considérations morales, quoique qu'un bon artiste de presse n'est ni moral ni immoral mais plutôt amoral.



Ces fondamentaux rappelés, on peut le répéter, la meilleure façon de perdre un journaliste c'est , pour lui, d'avancer un chiffre non vérifié. Quoi de plus difficile de vérifier un paiement, un chéque ou un pot de vin? Bien de vaillantes plumes furent pendues sur un chiffre non vérifié.
Dans le contexte mauritanien et arabe en général, on doit aussi se dire une bonne fois pour toute que la noble langue du Hejjaz n'a pas prévu le "conditionnel". Ou, pour être plus sérieux (car le conditionnel existe bien en arabe), que le juge arabisant est en droit d'ignorer le conditionnel. D'où la difficulté à forger sa ligne de défense dans cette précaution oratoire.


Ces éléments nous rappellent que la liberté de la presse c'est d'abord une maîtrise technique, parfaitement technique d'un métier. La confondre avec l'agora grecque c'est se fourvoyer. Le journaliste est un médiateur entre le citoyen et le décideur de la cité. En tant que tel, il peut difficilement plaider l'ignorance, là où le citoyen est en mesure de le faire.


En tant que leader d'opinion, l'écrit d'un journaliste influence la cité. Car le préjudice qui en résulte touche non seulement la personne visée, mais aussi son entourage, sa famille et ses amis. Le préjudice moral subi par un article se répare rarement avec l'ouguiya symbolique. Mais il peut être guéri par des excuses publiques.


Moktar S


Source: www.mauritanides1.com - 6 aout 2009

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